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L’architecte dans l’action collective : Altération des pratiques de l’architecture entre Est et Ouest de l’Europe

Thèse présentée par Thomas Lequoy

 

Résumé

Cette thèse prend comme objet d’étude « l’œuvre moderne », entendue comme les réalisations urbaines et architecturales du Mirail (Toulouse) et Lyulin (Sofia). En mesurant les réponses que les pratiques architecturales ont données aux cadres et aux programmes de la modernisation des sociétés Est et Ouest Européennes, nous cherchons à comprendre en quoi l’action collective en architecture s’est trouvée différemment mise en œuvre aux échelles architecturale comme urbaine, et en quoi cela a altéré la culture architecturale.

L’objet de la recherche est une étude synchronique et diachronique de « l’œuvre moderne » entendue comme les réalisations urbaines et architecturales du Mirail (Toulouse) et Lyulin (Sofia). En croisant l’analyse de la production des formes avec celles des actions qui les ont accompagnées, nous cherchons à appréhender la réponse des pratiques architecturales[1] à leurs ouvertures aux sciences sociales et à la société.

Nous avons d’abord mis à jour la notion d’action collective[2]  associée à la conception moderne[3] à partir des critiques et analyses formulées par les recherches en sciences sociales sur le développement du mouvement moderne en architecture. Art, Histoire, Sociologie et Anthropologie nous ont permis de donner un cadre à la définition d’une « action collective » en architecture renvoyant à une altération de la culture architecturale.

L’étude de l’œuvre moderne en tant qu’« action collective» pose différemment la question de l’œuvre en architecture et en urbanisme[4] à l’Est et à l’Ouest de l’Europe[5]. Mais en quoi l’action collective en architecture a-t-elle pu différemment mettre en œuvre les programmes de la modernisation aux échelles architecturale et urbaine ? Cette étude est menée en trois axes de recherche : la reconstitution des cadres d’intervention des architectes, l’analyse de la production des objets architecturaux et urbains, l’étude des conditions de leurs concrétisations.

L’hypothèse pose que l’altération des pratiques de l’architecture découle de la transgression des cadres d’intervention des participants en interaction dans l’action collective, qu’ils soient architectes, politiques, habitants, associations, professionnels, etc. La mise en œuvre de deux modernités Est-Ouest résulterait ainsi d’altérations différentes.

Pour la vérifier, nous avons exploré les deux développements opposés que l’œuvre moderne a connus à l’Est et à l’Ouest de l’Europe[6]. Rejetant la comparaison[7], la méthode a consisté en une mise en perspective de l’œuvre moderne à travers le projet du Mirail à Toulouse et de Lyulin. La distinction a priori de l’œuvre comme objet d’une part et comme faire[8] de l’autre a permis de retracer l’évolution des formes urbaines et architecturales aux échelles de la ville, urbaine et de l’immeuble, tout en recomposant les situations d’actions collectives[9].

L’étude a révélé que la planification « moderne » qui a suivi l’ouverture de la culture architecturale[10] s’est faite en renonçant progressivement à la question de l’esthétique. La figuration et la formalisation des espaces[11] ont avancés différents degrés de « mises en œuvre » des formes architecturales et urbaines, dissociant a priori de leurs usages les objets préfigurés et maîtrisés, des objets laissés à achever[12]. Enfin les transformations des espaces modernes illustrent différents rapports de forces avec les œuvres originales, légitimant difficilement la participation a posteriori des habitants, qui l’occupent et la dé-figurent, ou celle des architectes, qui l’interprètent et la re-figurent. La recherche-action menée en parallèle nous a introduits dans les « mouvements »[13] de l’œuvre moderne en tant que participant « comme les autres »[14]d’une action collective en architecture.



[1] HANROT, S., A la recherche de l’architecture, Essai d’épistémologie de la discipline et de la recherche architecturales, Paris, L’ Harmattan, 2002.

[2] CEFAÏ, D., Pourquoi se mobilise-t-on ? Théories de l’action collective, La découverte, 2007.

[3] LATOUR, B., Nous n’avons jamais été moderne - essai d’anthropologie symétrique, La découverte, 1991.

[4] SANDRINI, C., HDR, La médiation architecturale : Une œuvre en mouvement pour une esthétique sociale, Tome 2 recherche inédite, Toulouse, 2014, pp.75.

[5] Programme Europa 2020.

[6] KOPP, A., Quand le moderne n'était pas un style mais une cause, École nationale supérieure des beaux-arts, Paris, 1988.

[7] DELPHA, I., Cosmopolitisme ou internationalisme méthodologique, Presses de Sciences Po, 2014.

[8] DEFORGE, Y.,  L'œuvre et le produit, Champ Vallon, Milieux Spirale, 1990.

[9] GOFFMAN, E., Behavior in public spaces. Notes on the Social Organization of Gatherings, Free Press of Glencoe, 1963.

[10] COHEN, J-L., The futur of architecture Since 1889. A worlwide history. Architecture in Detail. Londres: Phaïdon, 2012.                   

[11] SANDRINI, C., Politique urbaine et Mémoire collective, La monumentalisation de Paris depuis l’Occupation, Paris, L’Harmattan, 2014.

[12] MAUSS, M., Essai sur le don, Paris, PUF, 2012 (1ère édition 1924).

[13] ECO, U., L’œuvre ouverte, Paris, Seuil, collection Point, 1979.

[14] JODELET, D., « Formes et figures de l’altérité », In : L'Autre : Regards psychosociaux, chapitre 1, pp. 23-47. Grenoble, PUG, 2005.